Bibliographie (retrouvez certains de ces ouvrages à consulter au studio, à compléter au fur et à mesure de l'année)>

Sur l'écriture:
Derrida - La Grammatologie
Barthes - Le grain de la voix > https://excerpts.numilog.com/books/9782020057967.pdf
Rabelais - Quart Livre - Les Paroles Gelées https://litteraturefrancaise.net/fr/oeuvre/rabelais-les-paroles-gelees/

Sur la voix>
Michel Chion - La Voix au Cinéma
Revue Traverses n°20 - La Voix, l'Écoute
_Michel de Certeau - Utopies Vocales : Glossolalies
_Marc Le Bot - L'écoute
Abigail Lang, Michel Murat, Céline Pardo - Archives sonores de la Poésie
Revue Tacet n°2
_Miguel Prado -Evacuation géotraumatique de la voix

Economie de l'attention, design sonore >
Yves Citton - Pour une écologie de l'attention
Juliette Volcler - L'orchestration du quotidien
POLI n°11 - Politiques Sonores
_Stéphan-Eloïse Gras - Politique du streaming musical, discipline de l'écoutille et machine du goût


Sur le ready-made et l'enregistrement >
Arthur Danto - La transfiguration du banal
Hélène Moreau - Le Bruit de l'échantillonneuse

Sur l'installation sonore et la déambulation>
Elena Biserna - Walking, Listening, Soundmaking


WORLD OF TEXT:

Les paroles gelées I - II

Le Quart Livre, ch. LV - Rabelais

« En pleine mer, alors que nous banquetions, grignotions, devisions, et faisions de beaux discours, Pantagruel se leva et se mit sur pied pour découvrir les environs. Puis il nous dit : « Compagnons, n’entendez-vous rien ? Il me semble que j’entends dans l’air des gens qui parlent, je ne vois toutefois personne. Ecoutez. »
(...)
Ce sont ici les confins de la mer glaciale, sur laquelle eut lieu au commencement de l’hiver dernier passé une grosse et félonne bataille, entre les Arismapiens, et les Nephelibates. Alors gelèrent en l’air les paroles et cris des hommes et femmes, les chocs des masses d’armes, les heurts des armures, des cuirasses, les hennissements des chevaux, et tout l’effroi d’un combat. Aujourd’hui, la rigueur de l’hiver passée, avec la sérénité et la douceur du beau temps, elles fondent et sont entendues.
– Par Dieu, dit Panurge, je le crois. Mais pourrions-nous en voir une ? Il me souvient avoir lu qu’à l’orée de la montagne, le peuple voyait les voix sensiblement.
– Tenez, tenez ! dit Pantagruel. En voici qui ne sont pas encore dégelées.»
Il nous jeta alors sur le pont de pleines mains de paroles gelées, qui ressemblaient à des dragées perlées de diverses couleurs. Nous y vîmes des mots rouges, des mots verts, des mots azur, des mots noirs, des mots dorés. Lesquels, étant quelque peu échauffés entre nos mains, fondaient, comme de la neige, et nous les entendions réellement. Mais nous ne les comprenions pas, car c’était un langage barbare : excepté un assez gros, frère Jean l’ayant échauffé entre ses mains, qui fit un son tel que font les châtaignes éclatant dans les braises, et nous fit tous tressaillir de peur.
« C’était, dit frère Jean, un coup de canon en son temps. Panurge demanda à Pantagruel de lui en donner encore. Pantagruel lui répondit que donner des paroles était acte des amoureux. – Vendez m’en donc, disait Panurge. – C’est acte des avocats, répondit Pantagruel, que vendre des paroles. Je vous vendrais plutôt du silence et plus chèrement, ainsi que quelquefois le vendit Démosthène moyennant son argentangine. »
Malgré tout, il en jeta sur le pont trois ou quatre poignées. Et j’y vis des paroles bien piquantes, des paroles sanglantes, dont le pilote nous disait qu’elles retournent quelques fois au lieu où elles furent proférées, mais c’était la gorge coupée, des paroles horrificques, et d’autres assez déplaisantes à voir. Nous les entendîmes fondues ensemble, hin, hin, hin, hin, his, ticque torche, lorgne, brededin, brededac, frr, frrr, frrr, bou, bou, bou, bou, bou, bou, bou, bou, traccc, trac, trr, trr, trr, trrr, trrrrrr, On, on, on, on ououououon : goth, mathagoth, et je ne sais quels autres mots barbares, et il disait que c’étaient des mots du heurt et du hennissement des chevaux au moment de la charge ; puis nous en entendîmes d’autres grosses et qui rendaient un son en dégelant, les unes comme des tambours et fifres, les autres comme des clairons et trompettes. Vous pouvez croire que nous y eûmes un agréable passetemps. Je voulais mettre en réserve quelques mots de gueule dans l’huile comme l’on garde la neige et la glace, et dans de la paille bien propre. Mais Pantagruel ne le voulut pas, en disant que c’est une folie de mettre en réserve ce dont on ne manque jamais et qu’on a toujours en main, comme sont les mots de gueule entre tous bons et joyeux Pantagruelistes.
(écrire à la volée ce qu'on est entrain de faire)
L'oreille à l'écoute est menacée par l'excès. Elle se fait attentive aux voix, craint qu'elles n'éclatent en cris, qu'elles ne s'épuisent en bruits, car bruits et cris sont les extrêmes de l'audible et les voix s'y portent souvent. De se porter à ces extrêmes, la voix brise l'écoute ou elle la stupéfie; elle-même s'y détruit. L'écoute, elle, désire la voix, mais elle désire aussi céder aux bruits, aux cris. Elle se fait, se défait, prise entre leurs tensions violentes. Pour l'oreille, c'est toujours un défi : l'écoute a toujours lieu en un lieu menacé, son lieu est douteux ou instable comme est le point de vue pour les yeux. L'oreille n'est pas moins fragile que la vue. L'oreille comme l'œil voudraient contraindre un dehors et eux-mêmes à l'immobilité. Ils s'y efforcent, puis ils consentent que tout cède. C'est pour recommencer.
Du bruit, il y en a terriblement. Il est d'origine incertaine, cela vient de partout.

Marc Le Bot, L'écoute - revue traverses n°20
je deviens irréel,
je flotte dans le bruit.
À peine entre-t-on dans la ville que l'on est étourdi par le fracas d'une machine bruyante et terrible en apparence.
Vingt marteaux pesants, et retombant avec un bruit qui fait trembler le pavé, sont élevés par une roue que l'eau du torrent fait mouvoir.
Chacun de ces marteaux fabrique, chaque jour,
je ne sais combien de milliers de clous.
Ce sont de jeunes filles fraîches et jolies qui présentent aux coups de ces marteaux énormes les petits morceaux de fer qui sont rapidement transformés en clous.
Une ouvrière spécialisée
- le terme désigne en fait l'absence de toute spécialité -
assise
depuis trente ans à la même place sur une chaîne de montage dans une usine automobile.
Usine modèle, structure légère construite en pleine campagne, excellent restaurant d'entreprise, primes de fin d'année importantes.
covoiturage et cars.
Contrats en cours avec plusieurs pays d'Asie et d'Amérique latine.
Pendant une visite de hauts fonctionnaires chinois, louvrière quitta sa place, prit une clé à molette qui se trouvait par terre à côté d'elle, et
l'utilisa sur un homme jeune à costume trois-pièces qu'elle n'avait jamais vu et qu'elle supposait être le PDG.
Il s'agissait en fait de l'interprète

Hélène Moreau - Le Bruit de l'Echantillonneuse
LES AND MARY PAUL > MULTIPISTES

https://www.yourworldoftext.com/home/
https://youtu.be/VCEmAgak9V8?si=_0N5F2iI9WMlo4nj&t=260
La première représentation fut donnée à un petit groupe d'amis invités. Je leur ai demandé de me retrouver au coin de l'avenue D et de la 14e rue Ouest à Manhattan. J'ai tamponné le mot LISTEN sur la main de chacun et j'ai commencé à marcher avec eux sur la 14e rue en direction de l'East River. À cet endroit, la rue traverse une centrale électrique et, comme je l'avais remarqué auparavant, on entend un grondement spectaculairement massif. Nous avons continué, traversant l'autoroute et marchant au son du lavage des pneus, descendant la rivière sur quelques pâtés de maisons, retraversant un pont piétonnier, traversant la vie de rue portoricaine du Lower East Side jusqu'à mon studio, où j'ai interprété quelques morceaux de percussion pour eux.
(...)
Il y a eu d'autres manifestations de cette idée. J'ai organisé des "excursions" dans des endroits généralement inaccessibles et où il était impossible de capter des sons sur un enregistrement. J'ai également fait quelques versions sous forme de publications. L'une d'elles était une affiche avec une vue plongeante depuis le dessous du pont de Brooklyn, avec le mot LISTEN imprimé en grandes lettres sous le pont.
Cela vient d'une longue fascination pour les sons de la circulation sur ce pont, la riche texture sonore formée par des centaines de pneus roulant sur la grille ouverte de la chaussée, chacun avec une vitesse et une bande de roulement différentes.

Listen par Max Neuhaus in Going Out - Walking, Listening, Soundmaking
https://www.cochlea.eu/son/representation-du-son
Pierre Schaeffer - Cinq études de bruits : Étude aux chemins de fer
En 1948, Pierre Schaeffer réalise par hasard les expériences du sillon fermé et de la cloche coupée.

1) le sillon fermé : en bouclant un son sur lui-même Pierre Schaeffer isole le son de ce qui était avant lui et de ce qui le suivra. Il devient un objet décontextualisé et utilisable avec d'autres sons prélevés dans des contextes totalement différents

2) la cloche coupée : en enlevant, par inadvertance, l'attaque d'un son de cloche lors de son enregistrement, Pierre Schaeffer réalise que ce son de cloche devient, sans son attaque, un son de hautbois !

Pierre Schaeffer décide de nommer ce nouvel art sonore qu'il expérimente : musique concrète. Le terme de concret s'oppose à celui d'abstrait détenu par les compositeurs de musique instrumentale. En effet, tandis que les compositeurs instrumentaux partent d'une idée abstraite (concept) pour la réaliser concrètement ("sonorement"), les compositeurs concrets partent eux du concret sonore (les sons) pour élaborer une structure musicale (abstraite). Le schéma est donc inversé. Le préalable est d'un côté, abstrait, et de l'autre, concret.
On sait que la phonautographie est l'art d'obliger la voix, la parole, le chant à s'écrire d'eux-mêmes, avec une fidélité semblable à celle de la photographie reproduisant les objets qu'on lui présente.
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-atelier-de-la-creation-14-15/dziga-vertov-sono-portrait-4111750

https://www.openculture.com/2015/04/hear-dziga-vertovs-revolutionary-experiments-in-sound.html

Étudiant en psychologie à Petrograd, le futur cinéaste a commencé sa carrière artistique en tant qu’écrivain de poésie futuriste et de science-fiction. Fasciné par les nouvelles technologies d’enregistrement et déterminé à bouleverser les formes traditionnelles, Vertov a commencé en 1916, « à expérimenter la perception et l’agencement du son » (cf. monoskop.org)

Il a créé des « poèmes sonores » et produit des « structures de montage verbal ». À propos de son art audio, Vertov a déclaré : « J’ai eu l’idée de la nécessité d’élargir notre capacité d’audition organisée. Ne pas limiter cette capacité aux limites de la musique habituelle. J’ai décidé d’inclure l’ensemble du monde audible dans le concept d’« audition ». »
Le Cylindre Sonore - Bernard Leitner
Parc de la Villette
ENCYCLOPEDIE DE LA PAROLE
Janet Cardiff - audio walks
En effet, à la place d’informations ou d’explications sur les œuvres d’art et les différents objets et inventions scientifiques présentés que le visiteur pensait recevoir dans ces écouteurs, celui-ci entendait des textes, de la musique et des bruits divers selon les zones qu’il traversait. Loin d’être une aide à la visite, ces différents éléments avaient été « choisis pour leur valeur émotionnelle et/ou associative. » L’exposition n’avait en aucun cas une volonté didactique ou pédagogique mais faisait plutôt appel aux sensations et aux émotions des visiteurs. Le but était « de viser donc non pas la capacité d’acquisition d’un public mais plutôt sa sensibilité, c’est-à-dire un sentiment esthétique. On postule, pour ce qu’on a à dire, une espèce de répondant dans le public, au niveau, non pas de l’entendement, mais du “sentiment” qu’il faudra éveiller. » Les textes n’étaient jamais des légendes de ce qui était montré dans les différents sites. Il n’y avait pas non plus de correspondance entre les zones d’émissions sonores et les sites visités car un texte pouvait aussi bien accompagner quatre sites, qu’un seul26. « Ainsi le rapport du son et de la visualisation est un rapport de tension, il est de l’ordre de l’imagination plutôt que du concept, ce qui correspond à notre projet, qui est de faire sauter des résistances », expliqua Lyotard au journaliste François Dumont.

Cette matière sonore s’ajoutait ainsi aux éléments visuels de l’exposition et créait une couche de sens supplémentaire. Mais les visiteurs non prévenus de la portée conceptuelle des textes diffusés furent pour le moins surpris par ce qu’ils entendaient dans leurs casques, car comme l’expliqua Nathalie Heinich dans l’enquête qu’elle réalisa pendant l’exposition, ces derniers pensaient avoir en leur possession un système d’audioguidage classique :


"Un […] malentendu portait […] sur le statut des textes diffusés, que les visiteurs habitués aux systèmes de visite guidées sur cassette en usage dans certaines grandes expositions (Grand-Palais) ou certains musées, tendaient à constituer a priori comme un « commentaire explicatif », alors qu’il s’agissait plutôt d’un accompagnement, d’un contrepoint, d’une mise en condition, d’un travail d’association – mais surtout pas d’une « explication ». D’où une certaine perplexité devant ce commentaire qui n’en était pas un et qui, à des images parfois obscures (ou, plus exactement, à des images ou des objets obscurément reliés à des propos pas toujours limpides) surajoutait des textes – littéraires, philosophiques ou autres – qui eux-mêmes auraient bien pu, au moins pour certains visiteurs, justifier une explication susceptible d’en éclairer le sens. On comprend alors ce regret formulé par un visiteur lors d’une « animation » après-coup : « il faudrait un commentaire permanent par quelqu’un de qualifié, le commentaire ne suffit pas"
Système d'audioguide dans l'exposition organisée en 1985 au Centre Pompidou sous le commissariat général du philosophe Jean-François Lyotard et sous le commissariat de Thierry Chaput
Vue d'exposition, Les Immatériaux
Phillipe Manoury - Leçon inaugurale au collège de France - l'invention de la musique, écoutez à partir de 27:00 sur les paramètres du son
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-cours-du-college-de-france/lecon-inaugurale-l-invention-de-la-musique-6092192
ADSR ATTACK DECAY SUSTAIN RELEASE PROFIL D'UN SON
ADSR (attack, decay, sustain, release) veut dire attaque, chute, entretien, extinction.

Ensemble, ces termes constituent l’enveloppe ADSR.
paramètres du son:
- hauteur (en fréquence)
- rythme
- timbre
- intensité, amplitude
Décrire le son? Objets sonores > solfège de Schaeffer
Nous parlons... Nous parlons de tout et de rien : de la compulsion criminelle et de l'ennui; de la musique subliminale et des synthétiseurs; de Manson et de Bowie; de Cry Of The Banshees et du Japon, de Vincent Price et de la télévision.
C'est une conversation anglaise, civilisée. Mais déjà je devine, à la façon dont le cassette reste orienté vers moi, qu'il n'aura (second signe) enregistré que ma voix. Intéressant. Les machines sont le parfait reflet de nous-mêmes. Et il y a, inscrits dans notre maniement d'un Sony, tous les messages muets de l'Inconscient. Des messages qu'il faut apprendre à lire. Ce que je fais. C'est pourquoi, ce soir-là, dans l'obstination du cassette à se tourner vers moi, je perçois un message.
Le message est : « Deviens ton propre sujet. »

Yves Adrien - Novövision
La "boucle audio-phonatoire" Alfred Tomatis
cf. Richard Serra - Boomerang